Anna Marie - The gloves are coming off

Tu devrais suivre les conseils de Charles pour faire taire la cacophonie interne, étouffer les voix en érigeant des barrières mentales plus solides que le fétu de paille et retrouver celle de ta conscience au milieu du brouhaha. T’en fais rien parce que même si la proposition est légitime, t’es trop butée pour croire qu’elle pourrait te soulager. T’as ta propre méthode, loin de la méditation où tu n’arrives jamais à atteindre la plénitude permettant l'introspection parce que les conversations internes dérivent prestement en dissensions. T’es trop tiraillée par des envies antinomiques qui t’empêchent de rester trop longtemps en place alors tu t’adonnes presque quotidiennement à l’exercice pour éviter d’oublier ces souvenirs qui sont tiens, pollués par ceux appartenant aux victimes de ton contact paralysant.

Tu récupères la boite à chaussures dans ton armoire qui t’arrache toujours un pincement au coeur, de savoir que toute une vie de souvenirs puisse tenir dans un si petit espace…  Tu plonges ta main dégantée à l’intérieur, à la recherche du premier artefact sur la frise chronologique de ton existence. Une photo que tu reconnais au toucher car son flanc gauche est déchiré pour que le géniteur n’ait plus ni nom, ni visage, dans l’espoir vain de le voir complètement disparaître. Lui et toute cette colère contenue qu’il t’oblige à porter depuis que tu le sais responsable de la disparition de Priscilla, ta mère biologique.

Elle, sourit timidement sur le cliché alors que tu es dans ses bras, elle ne semble pas encore parfaitement à l’aise avec la maternité. Tu n’as jamais ressenti ses doutes, tu te souviens surtout de sa douceur, de sa créativité, des contes qu’elle te racontait sur une princesse captive d’une forêt enchantée ; une transposition de sa position au sein de votre foyer, maintenant que tu te les remémores avec plus de maturité… Tu vécus une enfance dorée, parmi les illuminés en quête de sens qui ont trouvé quelques réponses dans cette communauté forgée par l’entraide où la religion néo-païenne tirait ses mythes de la culture amérindienne. Vous viviez en autarcie au milieu de Caldecott County, vos besoins primaires assouvis par l’agriculture, l’élevage et l’artisanat. T’as aimé apprendre à cultiver, à prendre soin du bétail, à monter les chevaux, à coudre et à tisser. C’était plaisant d’avoir tes parents comme point de repère mais être élevée par une majeure partie de la communauté aux relents hippies, comme une grande famille recomposée où t’étais trop entourée des autres enfants pour te sentir seule. T’appréciais moins l’intimité de votre caravane, les cris provenant des disputes incessantes entre tes parents, les coups qui partaient quand ta mère menaçait de partir et toi avec elle… Priscilla n’a jamais pu le faire, c’est lui qui t’a emmené chez ta tante maternelle.

Croix de l’église baptiste offerte par ta tante dans la paume, sourire torve sur commissure de lippes offert par la défiance, t’as toujours refuser le baptême, ça lui a brisé le coeur, littéralement. Il fallait bien qu’Il te protège alors que Carrie s’en sentait incapable -elle n’avait su protéger la vie de sa propre sœur et tes fugues répétées lui rendaient la tâche plus difficile. Sa faute, tout ça... T’es certaine que si, pour t’éduquer, elle ne t’avait pas rossé si fort qu’elle finit par en briser tes os, tu ne serais pas affligée de cette malédiction qui empêche quiconque de te faire du mal à nouveau et dont la première victime fut Cody. Tu ne sais pas s’il te plaisait réellement ou si ce fut l’idée d’emmerder ta vieille tante qui le considérait comme de la mauvaise carne qui te séduisit. Tu le laissas approcher dangereusement de tes lèvres, accompagnant le mouvement pour franchir les derniers millimètres qui te séparaient de ton premier baiser. Sensation agréable, induite par le lâcher prise et l'excitation, jusqu’à ce que tu ouvres les yeux sur l’expression de terreur gravée sur le visage éteint d’un Cody rapidement éconduit.

C’est un étrange duo qui te retrouve de ton ultime fugue, la femme à la peau bleue et l’oracle qui a guidé sa route jusqu’à toi, celle qu’elles vont traiter comme leur propre fille. Et l’attention tant réclamée qui te poussait à te montrer odieuse auparavant est comblée. Tu rechignes à peine quand elles t’intronisent au sein de la confrérie, toi aussi tu connaissais cette colère qui survenait après le rejet et le harcèlement, tu pouvais comprendre la leur. Puis t'es une criminelle comme eux, persuadée que Cody ne vit maintenant plus que dans ta tête. Tu leur accordes une confiance aveugle et est prête à tout quand tu les penses en danger, même à faire appel à nouveau à tes capacités mal maîtrisées qui te font aspirer si profondément les possibilités de Miss Marvel que tu jurerais posséder également son âme.

Les pouvoirs sont trop puissants, tu perds pieds, t'es un véritable danger, y'a que le professeur Xavier pour t'aider même s'il est bien emmerdé par ta résistance télépathique induite par la mi-kree. Il arrive tout de même à te sauver et à t'ouvrir les yeux sur la façon dont la confrérie se sert de toi en te transformant en adolescent soldat. Il te propose d'intégrer l'institut puis plus tard, les défenseurs de son idéologie, sobrement appelé X-Men... T'y tisses tes plus solides amitiés après y avoir inspiré la méfiance, y connait tes premiers amours, y vit des expériences incroyables, même plus limitée par les frontières planétaires, y mène même ta propre équipe.  Jusqu'à ce que la maudite sorcière condamne votre race entière et vous plonge dans une utopie te permettant de goûter à une vie où ton contact n'est plus mortel.

T'es pas celle qui a le plus morflé des conséquences du M-day, forcée au repos après avoir absorbé les milliards d'âme contenues dans une arme extraterrestre suffisamment puissante pour tous vous détruire. Ton salut n'est dû qu'à l'abnégation de ta mère adoptive, capable de sacrifier le premier bébé né avec le gène mutant pour te purger de toutes tes identités. Un vide salvateur, qui te fait revenir à toi mais dont tu n'as pas l'occasion de profiter. L'amour qu'elle te porte est trop destructeur, tu refuses que ta vie passe avant le futur de votre race et tu es prête à te sacrifier pour qu'elle ne nuise à personne d'autre. Tu fuis tes actes à l'autre bout de la planète, l'esprit embrumé par la personnalité de ta parente. C'est la guerre civile et les propositions de lois toujours plus liberticides envers les mutants qui te font sortir de ta retraite te te poussent à entamer une thérapie auprès du professeur afin de canaliser l'esprit de Mystique, puis, à force de travail, d'affronter enfin la peur générée par tes capacités et prendre le contrôle de ton don.

L'invasion Skrull a redistribué les cartes, à la douleur de la perte se mêle l'altération de tes capacités. Tu t'es battue auprès de Z'cann lors du premier assaut, une renégate qui crut bon de booster tes capacités en transcendant ton gène. La possibilité d'emprunter temporairement la personnalité, le savoir, les pouvoirs d'un autre est devenue permanente après chaque nouveau contact. T'as bien failli devenir folle et attaquer tes alliés. Tu t'es éloignée de l'équipe, trouvant ailleurs des mains tendues inattendue pour te permettre de reprendre le dessus.
T'es revenue il y a peu à l'institut, l'effort de guerre ne se fera pas sans toi, pas maintenant que tu es capable de rassembler les pouvoirs mutants de votre assemblée et de ce fait, empêcher la nouvelle génération de prendre des risques que tu peux assumer à sa place, même si ça doit se faire au détriment de ta santé, physique comme mentale.